Retour sur le rôle du Monseigneur Isidore de SOUZA lors de la conférence des forces vives de la nation.
La Conférence des Forces vives de la Nation du Benin a eu lieu à l’Hôtel PLM ALEDJO de Cotonou du lundi 19 au mercredi 28 Février 1990. L’un des personnages principaux de cette conférence demeure Monseigneur Isidore, Archevêque de Cotonou d’alors. Les rôles qu’il a joués lors de cette assise font de la bonne réussite de la conférence.
À la fin des années 1980, le régime marxiste-léniniste de Mathieu Kérékou ne parvient plus à faire face à la crise économique et financière au Bénin qui s’est généralisée dans tous les secteurs. Les forces vives de la nation veulent une nouvelle Constitution et l’institution du multipartisme. Une Conférence nationale souveraine annoncée par le président Mathieu Kérékou depuis le 7 décembre 1989 a finalement lieu le 19 février 1990. Pendant 10 jours les participants ont discuté des voies de sortie de la crise et également de l’instauration de la démocratie au Bénin.
Dès l’ouverture de le ladite conférence les participants à la recherche d’un citoyen neutre qui incarne l’intégrité et la confiance ont porté leur choix sur religieux, le Prélat Archevêque de Cotonou Monseigneur Isidore DE SOUZA. « Je suis votre homme si vous le voulez », répondit-il quand on lui demandait s’il acceptait présider la Conférence.
Il continua en ajoutant : « D’abord, je ne fais partie d’aucune tendance politique et ensuite, on cherchait quelqu’un qui puisse faire l’unité de cette diversité de tendances et de couches sociales ». C’est un honneur pour l’Eglise Catholique du Bénin qui a brillé à cette messe nationale par la participation d’un de ses dirigeants. Choisi comme Président du présidium, Monseigneur Isidore de Souza a dirigé les travaux avec une certaine sagesse puis un esprit de responsabilité et de recherche de consensus qui fait la promotion de l’épiscopat béninois. Les forces vives de la Nation veulent un changement immédiat et le président Kérékou n’est pas prêt à concéder ce changement. Mais un consensus est trouvé grâce à l’habileté de l’archevêque de Cotonou. Grand homme de Dieu doté d’un charisme exceptionnel, Mgr Isidore de Souza alors président de la conférence épiscopale du Bénin et archevêque de Cotonou, a conduit de main de maître et avec succès en tant que président du présidium, les travaux de la conférence.
Négociateur fin, l’homme a réussi à déjouer l’impasse qui planait sur les travaux de la conférence. En effet, Mathieu Kérékou fait convoquer dans la nuit du 24 février Mgr Isidore de Souza pour lui faire part de son intention de suspendre la conférence. Mais, Mgr de Souza parvint à persuader le président de la République de la laisser se dérouler jusqu’à son terme. Tout au long de la conférence, Mgr Isidore de Souza a utilisé l’arme du pardon comme moyen de règlement la crise.
« Plaise le ciel qu’aucun bain de sang ne nous éclabousse »
Aux anciens chefs d’Etat, succède le président de la Conférence, l’Archevêque de Cotonou, Mgr Isidore de Souza. Le prélat catholique refuse de croire que “les militaires nous ont tendu un piège”. Il apaise les uns et les autres par ses propos remarquables d’invocation de la paix.
« Nous sommes responsables de ce qui se passera demain. Plaise le ciel qu’aucun bain de sang ne nous éclabousse et ne nous emporte dans ses flots» a affirmé le Prélat.
Présentation du rapport de la conférence
Après la présentation du rapport de la conférence par le Professeur Albert Tevoedjè, le Président du Présidium Monseigneur Isidore reprend la parole. « Rien n’était pourtant gagné encore. Car le dernier mot revenait à Kérékou. Acceptera, acceptera pas ? Le suspense reste entier » affirme-t-il. Avant de donner la parole au Président de la République Mathieu Kérékou, le président de la Conférence, Mgr Isidore de Souza, lui exprime la gratitude du peuple pour avoir convoqué la Conférence nationale et salue sa grandeur d’esprit. “Vous avez posé un acte qui est juste et qui est historique et dont le Bénin vous saura toujours gré longtemps”, lui dit-il.
Hommage du Président Mathieu Kérékou à Monseigneur Isidore De Souza
Dans son discours de clôture, le Président de la République d’alors Mathieu a félicité le Président du présidium de la conférence en exprimant sa joie pour la réussite de l’assise. «Nous tenons également et surtout à féliciter notre présidium et plus particulièrement l’homme de piété qui a présidé vos travaux, Son Excellence Mgr Isidore de Souza ici présent. Nous lui rendons un vibrant hommage pour son courage, sa patience, sa sensibilité et sa fermeté, et surtout pour sa lucidité et sa clairvoyance, toutes qualités rares chez le commun des mortels, qualités avec lesquelles il a réussi à gérer toutes les contradictions concentrées au sein de la conférence. Tous ces remerciements s’adressent aussi à tous les anciens présidents que nous ne considérons pas, en ce qui nous concerne, comme des délégués à la conférence, mais nos invités de marque ». Ce sont là quelques propos du Président Mathieu Kérékou pour reconnaitre les mérites du Prélat mis à la tête de la conférence.
Présidence du Haut Conseil de la République
La cinquième expérience de parlement au Benin a été faite sous le haut Conseil de la République, qui, après la conférence des forces vives de la nation avait à la fois la mission d’un Parlement et de la Cour constitutionnelle sous le régime de la loi Constitutionnelle de 13 aout 1990. Elle a été présidée par Monseigneur Isidore De Souza.
Mais très tôt, il sera suspecté d’avoir des ambitions politiques. C’est ainsi que lors de sa visite au Bénin en 1993, le pape Jean-Paul II lui recommande solennellement de quitter le Haut Conseil de la République qu’il présidait alors. Pour respecter les recommandations de son supérieur pontife, il démissionne.
Et neuf ans après la Conférence, Monseigneur s’en alla ….
Le samedi 13 mars 1999 restera un jour oubliable dans la tête des Béninois en général, et en particulier de la communauté catholique. Le dormais feu Isidore de Souza s’en alla rejoindre le père éternelle à l’âge de 64 ans sans dire au revoir à ses compatriotes.
En mars 2019, les 20 ans de son rappel à Dieu ont été célébrés par des institutions catholiques et politiques du Bénin pour immortaliser sa mort.
Hyacinthe ANIOU