L’ancien président béninois, Thomas Boni Yayi a annoncé ce dimanche 05 Avril sa démission du parti FCBE dont il est le président d’honneur. Il a fait l’annonce sur sa page Facebook en invitant les militants à prendre leurs responsabilités et décisions selon leur conscience. Selon l’ancien président de la république, le parti FCBE est devenu un pôle politique du président Patrice TALON.Cette démission aura certainement des répercussions sur les acteurs politiques du parti et le parti peut même perdre sa crédibilité.

Pour Joël TCHOGBÉ, journaliste sociologue, spécialiste des questions politiques, la démission du président d’honneur va créer des bouleversements dans le jeu politique au sein des acteurs politiques du parti mais aussi dans leurs rapports avec la population. Il explique les conséquences de cette démission en identifiant trois pôles. Voici l’intégralité des analyses de Joël TCHOGBÉ sur la chaîne de Télévision internationale Africa24.

1er pôle : Cette démission va traduire une perte d’Identité du parti Force Cauris pour un Bénin Émergent ( FCBE). Ici au Bénin, comme dans certains pays dans la sous région et ce, malgré les reformes de modélisation du système partisan, l’animation de la vie politique ou si vous voulez, l’animation de la vie des partis politiques est moins polarisée sur les idéologies et systèmes de valeurs que sur les personnes. Et Boni Yayi jusqu’à sa démission était ce que j’appelle le symbole fédérateur au cœur du centre de gravité du parti mobilisant à la fois la foule et les militants. (…)d’ailleurs dans la crise qui secoue le parti, il a essayé de prendre une position médiane, une position de médiation qui s’est heurtée au noyau dur emporté aujourd’hui par son ancien ministre Paul Hounkpè, l’actuel Secrétaire Exécutif National/FCBE.

Je voudrais être incisif sur cette perte d’identité à laquelle j’ai fait allusion il y a un instant. Un parti politique est une organisation dotée de personnalité juridique avec des exigences morales et sociales. Et pour légitimer son existence, tout parti politique a recours à deux types de capitaux: le capital humain et le capital matériel.

Mais il y a un troisième capital sous-jacent au deuxième dont on parle très peu. Il s’agit du capital immatériel. Ce dernier intègre les sceaux du parti politique, le crédo, l’emblème, le logo, le slogan, l’idéologie, etc. C’est là que réside l’identité du parti. Chez nous au Bénin, il faut greffer à ces éléments  » l’aura de l’homme » qui préside ou porte le parti. L’identité d’un parti politique au Bénin intègre aussi l’aura de son leader. C’est bien le cas du parti FCBE. Et les partis politiques le savent si bien qu’ils surfent là-dessus pour ratisser large surtout dans un pays où les déterminants de vote entretiennent des rapports fébriles et fragiles avec l’offre politique des partis en compétition.

Ce n’est pas anodin si dans un passé récent, alors que le débat sur la réforme du système partisan était vif et que les grands regroupements politiques étaient en gestation qu’un parti comme le PRD a posé comme véto la conservation de son identité portée aussi par son leader Maître Adrien Houngbédji. L’identité du parti est une donnée essentielle pour gagner ou pour perdre. Pour moi donc, l’aura de Boni Yayi est l’axe central au cœur de l’identité du parti FCBE. Et avec sa démission, nous risquons d’avoir une désorganisation structurelle du parti tant dans les rapports internes entre les membres que dans les rapports avec les militants. Le capital immatériel du parti vient de prendre un coup.

2è pôle : L’autre analyse que l’on pourrait faire, c’est que cette démission de Boni Yayi va ôter au parti FCBE sont titre d’appartenance à l’opposition. Ou du moins, la revendication de parti politique d’opposition souffrirait d’un déficit de légitimité tant les suspicions de deal avec le pouvoir qui pesaient à faible intensité sur l’aile dissidente vont grossir. Conséquence, le jeu démocratique qui tolère opposition et mouvance serait remis en cause car FCBE était considéré comme le seul grand parti d’opposition naturelle au pouvoir Talon. Et même certains soutiens du gouvernement n’hésitent pas à citer le parti FCBE comme un challenger de taille à qui il fallait tout concéder pour avoir des élections communales inclusives après des législatives fermées aux partis d’opposition. Boni Yayi lui-même considère déjà le parti comme le troisième pôle politique du pouvoir de Cotonou. Donc la communication politique qui allait se faire autour du parti FCBE comme parti politique de l’opposition ayant pris part aux élections communales, cette communication politique disais-je, serait aussi en souffrance.

3è pôle : Enfin, ce qui est à redouter, c’est qu’une autre crise politico-sociale n’émerge avec cette fragilité de la paix. Dans sa lettre, Boni Yayi récuse déjà le processus électoral accusant son successeur d’avoir une phobie de l’opposition et de la compétition électorale. Que va-t-il se passer sur le terrain si ces élections s’organisaient le 17 mai? Nul ne peut prédire la réaction des militants cauris surtout quand on se rappelle les violences meurtrières post-électorales de 2019.

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