par

Dr. Félicité Adolé AKUESON, Maître-Assistante des Universités du CAMES .
Spécialiste de Philosophie Politique et Sociale/ Genre et Développement.
Secrétaire Générale Adjointe, Chargée du Pôle/Idées et du Programme du Parti Restaurer l’Espoir.

Le harcèlement sexuel est un fléau social à caractère violent et résulte de l’affrontement des désirs dans les relations à autrui. C’est une violence basée sur le genre et donc sur des rapports inégalitaires auxquels n’échappe aucun environnement humain. On peut constater avec l’UHCR dans son rapport de 2003 que « la violence sexuelle et sexiste est largement enracinée dans l’inégalité des rapports de forces».

Dans nos sociétés, on note une perception dichotomique de ce phénomène. Si certains perçoivent le harcèlement comme « une forme de violence du fait de la vulnérabilité des victimes, de leur position de subordination, d’autres perçoivent en ce fléau, un accord sexuel ou un partenariat de libre-échange. Cette double perception du phénomène justifie l’implication des autres formes de violence et montre son caractère amoral. Que vient chercher le sexe dans les lieux de travail ? Beaucoup pensent que le harcèlement sexuel fait partie intégrante de notre culture, de notre réalité sociale qui voudrait qu’on insiste toujours lorsqu’on fait la cour à une femme africaine parce qu’elle dit toujours non de peur d’être traitée de femme légère et n’accepte donc qu’après une longue insistance. Mais ce raisonnement absurde n’est qu’un beau prétexte qui tente de camoufler un vice.


Le harcèlement sexuel dans les administrations publiques et privées est une réalité au Bénin.
Merci Angéla ! Force à toi ma sœur !
Nous femmes, nous devons féliciter Angéla KPEÏDJA, pour son courage à dénoncer ce fléau qui ravage tout sur son passage et qui compromet le bonheur de millions de femmes. Nous devons la soutenir parce qu’il est très rare que les victimes du harcèlement en parlent, par peur des représailles de leurs harceleurs.

En effet, la position sociale, le genre, l’environnement du harceleur ou de la victime influencent souvent l’analyse de ce phénomène très nuisible à la bonne marche de nos sociétés et chose grave, les autorités qui se saisissent quelquefois des cas révélés, n’acceptent pas d’en parler avec les détails requis pouvant aider à en avoir des statistiques justes. Si ce mal continue de ronger la société, c’est aussi parce qu’il a toujours été considéré comme un épiphénomène. Et pourtant, il s’agit d’une réalité, puisqu’on en parle et aujourd’hui plus que jamais Angéla nous donne une fois de plus l’occasion d’en parler.


Je ne me lasserai pas d’en parler parce que c’est mon devoir de femme politique, d’éducatrice, de mère et de spécialiste des questions liées au genre de dénoncer les abus de pouvoirs, de défendre les personnes en détresse, de les soutenir et de toujours rappeler les principes de justice sociale pour la paix et l’épanouissement humain. C’est mon devoir de le faire parce que les effets néfastes du harcèlement sexuel sur la vie personnelle, professionnelle et sociale des victimes sont énormes. L’exemple de notre sœur Priscille Imelda KPOGBEME qui a publié une vidéo pour confirmer et soutenir la déclaration d’Angéla KPEÏDJA illustre à suffisance l’impact du harcèlement sur la vie d’une femme qui a opté pour la dignité.

Que de rêves brisés ! Que de vies détruites ! Les femmes courageuses et résistantes sont confrontées à des difficultés sociales, à des troubles psychologiques, à une possible dépression nerveuse, à l’anxiété, au sentiment de culpabilité. A l’opposé, celles qui se livrent par consentement sont les mieux loties en même temps qu’elles constituent des gangrènes pour la société. Comme le dit la philosophe H. Arendt, si « la violence (ici le harcèlement) peut détruire le pouvoir (de la femme), elle est parfaitement incapable de le créer.» Le harcèlement sexuel est donc un fléau qui vulnérabilise la victime, l’expose à l’incapacité, freine son élan vital, ruine son épanouissement, la réduit au silence et la contraint à une sorte d’inertie. Toute chose qui prive la femme de la jouissance de son individualité libre, comme sujet humain, responsable de sa vie. Il se pose là un problème, celui des principes d’égalité, de respect de la dignité humaine, de la vérité et de la crise des valeurs. Vue sous un angle philosophique, la question du harcèlement sexuel pourrait présenter une double face. Elle est à la fois expression de pouvoir et manifestation de faiblesse.


D’abord, le harcèlement sexuel comme comportement violent est la manifestation de l’ego voulant s’assouvir un désir, une démonstration de puissance sur un être vulnérable ; et c’est sur ce plan qu’il pose un problème moral. Dans certains cas, le harceleur n’a pas seulement l’intention d’assouvir un désir sexuel, mais il y a manifestement une volonté de prouver à la victime l’infériorité de son sexe par rapport à celui du harceleur. La victime est vue ici comme un objet sexuel par le harceleur.


Ensuite, le harcèlement sexuel en tant que manifestation d’un désir est forcément le signe d’un manque. Car celui qui ne manque de rien ne peut rien désirer. Cependant, tous les désirs n’expriment pas un manque dans le sens d’un vide profond à combler. Le désir peut être l’expression d’une énergie débordante, à la recherche d’un accomplissement plus grand. En ce sens, le harceleur peut être une personne en quête d’amour manqué, ce qui fait de lui une personnalité amputée et donc fragile. Le harceleur, avant d’être harceleur, est d’abord un être humain ; donc un être de désir et, quand même, il se fait l’illusion d’avoir conscience de ce qu’il veut, il ne le sait toujours ou presque jamais. Il a une source insoupçonnable que le harceleur ne peut pas être en mesure de révéler clairement. Par ailleurs, cette gangrène sociale qu’est le harcèlement a ses racines dans la société elle-même Il s’agit en effet, d’une faiblesse inhérente à la nature humaine et liée aux péripéties de la vie en société, sources de dérangements psychologiques. Le harcèlement en tant que violence est une force faible. La nature humaine en elle-même est une énigme. « L’histoire des hommes, c’est leur lutte entre leur nature passionnée et leur dimension rationnelle. Chez certains d’entre eux, nous pouvons constater qu’une des deux faces prédomine sur l’autre sans toutefois l’éclipser totalement » pense Louis Samson.
Mais les êtres humains que nous sommes, doivent-ils laisser l’instinct prendre le pas sur leur raison ?
A mon avis, c’est dangereux pour l’humain de donner libre cours aux instincts grégaires car la dignité de l’homme réside dans la résistance raisonnable aux passions inutiles pour lui-même et nuisibles pour autrui.
Rien ne doit limiter la femme dans sa prise sur le monde. C’est pourquoi, il faut dénoncer et rompre avec la hiérarchisation sociale des sexes qui crée un complexe de supériorité ou d’infériorité, faisant du sexe masculin le tout puissant qui peut décider et agir au nom du sexe féminin et s’en servir comme un objet de plaisir.
Je clos mes propos par cette maxime kantienne :
« Agis toujours de telle sorte que tu traites l’humanité, en ta personne et en la personne d’autrui, comme une fin et jamais comme un moyen ».
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