Par Fréjus ATTINDOGLO
Juriste, activiste des droits humains
L’Assemblée Nationale peut adopter des lois interprétatives. Le principe de la non rétroactivité ne s’impose pas au législateur.
Dans la journée du mardi 02 juin 2020, à l’unanimité les députés ont adopté une loi portant interprétation et complétant la loi Nº2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électorale. Cette démarche vise à combler les incomplétudes et résoudre les problèmes d’interprétation liés à l’application de ce code. Depuis lors, plusieurs voix s’élèvent pour condamner cette démarche du législateur. D’autres estiment qu’on ne peut changer les règles du jeu au cours du jeu.
Mais de quoi est-il question en réalité ?
On peut bien condamner cette démarche du législateur, mais on doit également accepter qu’ils sont dans leurs rôles. Le véritable problème qui se pose dans cette histoire, c’est le problème d’application de la loi dans le temps.
On pourrait se demander alors si l’Assemblée National est compétente pour prendre des lois qui s’appliqueraient à des situations en cours d’exécution ?
Dans certains cas, la réponse serait OUI car le législateur n’est pas tenu au principe de la non rétroactivité des lois.
En effet, les députés n’ont violé aucune norme, aucune règle de droit en adoptant cette loi interprétative. Lorsque nous sommes en matière de l’application de la loi dans le temps, et en cas de difficultés d’application de la loi, le législateur peut légiférer une loi interprétative qui s’appliquera aux faits antérieurs à son entrée en vigueur et même au fait en cours d’exécution. Il se posera donc la question du principe de la non rétroactivité de la loi. Mais il est impérieux de savoir que lequel principe ne s’impose pas au législateur.
Les députés peuvent bien adopter des lois interprétatives, quand ils sentent le besoin. C’est l’une des exceptions au principe de la non rétroactivité.
Étant donné que c’est l’article 2 du code civil de 1804 qui pose le principe de la non rétroactivité des lois et du fait que ce code lui-même est une loi, encore plus une loi ordinaire, l’assemblée nationale peut s’en exempter et ce, de deux manière, ils peuvent voter des lois expressément rétroactives, ou ils peuvent adopter des lois interprétatives pour trancher les difficultés d’interprétation qu’avait soulevées le premier texte. Cette nouvelle loi est intégrée dans la loi interprétée. Elle s’appliquera aux faits antérieurs et même aux faits en cours d’exécution.
Comme l’a dit quelqu’un, tout ce qui se passe aujourd’hui au Bénin, malheureusement est bien légal. Il relève d’un mal typiquement béninois dont on ne nous parle jamais, et qui est sans nul doute à l’origine de beaucoup de nos difficultés d’aujourd’hui. C’est ce qu’on pourrait appeler, la folie réglementaire ou législative de nos dirigeants. Une loi votée dans la précipitation ou nuitamment posera à coup sûr des problèmes lié à son interprétation ou son application. Nous devons en tenir compte à l’avenir.