L’accès à la justice dans les pays comme le Bénin reste encore une vraie problématique. La justice béninoise est loin de répondre aux attentes des justiciables pense conaide AKOUEDENOUDJE, juriste et activiste des droits humains. Dans cette tribune qu’il nous propose dans le cadre de la journée mondiale de la justice, il souligne que l’accès à la justice au Bénin est certes libre mais complètement inégal à cause de plusieurs barrières.
L’accès à la justice est un idéal à atteindre aujourd’hui par les peuples et les nations du monde. Les instruments nationaux et internationaux des Droits de l’Homme ont consacré l’accès à la justice comme un droit fondamental. Selon la déclaration Universelle des droits de l’homme, un instrument parmi tant d’autres, toutes personnes a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.
Par le fait que l’accès à la justice est un indicateur sérieux de la bonne qualité du fonctionnement des institutions judiciaires, il est un concept central de la notion de justice et exprime la possibilité de porter une affaire devant une juridiction pour faire valoir ses droits ou demander des réparations contre leurs violation.
Mieux, la question d’accès à la justice à un caractère transversale puisqu’elle renvoie également à la bonne gouvernance. C’est justement la raison de l’installation dans les pays, tel que le Bénin, de mécanismes visant à garentir l’effectivité de la jouissance de ce droit fondamental.
Mais paradoxalement, nous pouvons affirmer avec regret que sous l’angle de l’accès, la justice béninoise est encore très loin de répondre aux attentes des justiciables.
En effet, l’accès à la justice au Bénin est certes libre mais complètement inégal. Ceci à cause des barrières multiples et multiformes qui existent entre la justice béninoise et les béninois. Ces barrières sont généralement d’ordre géographique, économique, culturelle,cultuelle sociale ou temporelle.
Sur le plan des barrières économiques, nous vivons au Bénin un accès non équitable à la justice et une inadéquation entre l’offre de justice et la demande correspondante.bMême si l’accès à la justice est gratuite, le plaideur doit inévitablement faire face à des frais de procédure. Les chances pour le plaideur de valoriser ses point de vue et défendre ses intérêts sont subordonnés à l’assistance d’un professionnel et donc d’un avocat.
La situation de pauvreté de la grande majorité de la population béninoise encourage l’inégale réalité selon laquelle l’assistance d’un défenseur professionnel est limité aux personnes relativement aisées de la population. Par conséquent, la différence de moyens financiers facilite la défense des droits des uns et rend aléatoire la promotion des droits des autres.
De même le nombre de magistrats et d’avocats reste très faible en comparaison avec le nombre d’habitants au Bénin. Nous avons moins de 300 avocats pour défendre plus de onze millions d’habitants. Ceci fait que la majorité de ces derniers s’installent à Cotonou et dans les grandes villes en raison de l’implantation des services administratifs et politique du pays dans ces lieux. Ils visent tous à éviter la baisse de leurs finances. Dans ces conditions, les populations n’arrivent pas à bénéficier des services d’avocat. Le nombre très insuffisant de magistrats et de greffier ne permettent pas d’appliquer toutes les dispositions de la loi portant organisation judiciaire au Bénin et de répondre en conséquence à toutes les demandes de justice.
Sur le plan géographique, les barrières à la mise en oeuvre effective de l’accès à la justice sont légions. En dépit des efforts des pouvoirs publiques pour améliorer le maillage du territoire en matière juridictionnelle, l’accès à la justice des populations béninoises en terme géographique reste encore un défi considérable. À titre illustratif , le béninois vivant à Materri dans le nord du Bénin et qui est victime de violation de droit humain est obligé de se rendre à Cotonou pour saisir la cour constitutionnelle qui n’a aucune représentation à ce jour dans les différents départements du Bénin.
De ce fait, l’accès à la justice reste une virtualité pour certains béninois.
En matière culturelle, le taux d’analphabétisme des adultes limite ces derniers au droit et à ces procédure. De même, cette population analphabète perçoit la justice comme un instrument répressif au lieu d’un service public chargé de protéger et de reconnaître les droits de l’homme.
Concernant les barrières temporelles, en l’absence d’indicateurs très fiable de l’efficacité du système judiciaire béninois, les délais de traitement des dossiers sont trop longs dans toutes les instances. Si les affaires ne sont pas mises en délibéré pour plusieurs mois avec possibilité de prorogation, elles sont renvoyées ou alors il y a un retard criard dans la rédaction des décisions.
L’autre barrières qui est aujourd’hui une réalité incontestable est l’influence du pouvoir politique sur le système judiciaire. Au risque d’engorger cette réflexion, je vous invite à revenir lire ma spécial tribune sur cette question dans les prochains jours.
Les barrières à la réalisation de l’accès à la justice au Bénin sont multiples et multiformes. Qu’elles agissent cumulativement ou isolément sur le processus de respect des droits de l’homme par les États, elles traduisent les défis majeure auxquels la justice doit faire face pour contribuer à la paix et au développement mais aussi à la libération de l’homme de la peur de l’oppression.Puisque les gouvernants y ont une part active, c’est le lieu de les inviter à croire que la justice et son accès égal et libre est fondamentale dans notre processus de développement.